Le plaidoyer lancé par France urbaine, Agores, le centre Lascaux sur les Transitions, Eating City et la cellule Manger Demain (région wallonne), avec le concours actif des villes de Bruxelles et de Mouans-Sartoux, est aujourd’hui proposé à la signature des collectivités et organisations. L’objectif : revendiquer un règlement européen pour rénover la commande publique au profit d’une alimentation locale, saine et durable.
Parmi les premiers signataires de notre plaidoyer : la Métropole de Toulouse et l’association espagnole Mensa Cívica. Rencontre avec Jean-Jacques Bolzan, conseiller métropolitain, chargé de l’Agriculture et de l’Alimentation à Toulouse Métropole et Paola Hernández Olivan, cheffe de projet.
La liste des premiers signataires sera communiquée dans les prochains jours.
La métropole de Toulouse : « permettre à tous une alimentation de proximité, saine et durable »
France urbaine : Pourriez-vous nous rappeler le contexte agricole de votre territoire ?
Jean-Jacques Bolzan : L’agriculture et l’alimentation sont à la croisée d’enjeux cruciaux pour le territoire de la métropole. Face à l’urgence climatique, environnementale, sociale et la fragilité économique du secteur agricole, il est nécessaire de construire de nouveaux systèmes plus résilients et créateurs de valeur et d’emplois localement. La résilience alimentaire de notre territoire nécessite une réponse collective, en articulation avec les territoires de production qui nous entourent.
C’est pourquoi, Toulouse Métropole a engagé le Projet Agricole et Alimentaire Métropolitain (PAAM. Animateurs d’une démarche partenariale à l’échelle du territoire, notre rôle est d’accompagner la transition agricole et alimentaire pour répondre aux attentes des citoyens et aux enjeux du territoire et permettre l’accès à une alimentation de proximité, saine, et durable.
Pour atteindre des objectifs ambitieux pour la transition agricole et alimentaire, la mobilisation des différents acteurs du territoire est nécessaire : producteurs, transformateurs, distributeurs, consommateurs, conseillers, élus… pour que chacun agisse selon ses marges de manœuvre.
France urbaine : pourriez-vous nous rappeler les outils que vous mobilisez aujourd’hui pour soutenir l’agriculture et les politiques alimentaires sur votre territoire ?
Jean-Jacques Bolzan : Notre plan d’actions s’appuie sur 4 grands axes :
– Axe 1 : préserver et renforcer les conditions de production agricole (foncier, emplois agricoles, eau). Nous souhaitons maintenir, voire augmenter les 10 600 ha recensés, notamment dans le cadre des travaux sur un PLUi-H « bas carbone ». Nous accompagnons également l’émergence d’un réseau de fermes urbaines,
– Axe 2 : accompagner la restauration collective vers moins de gaspillage pour plus de produits bio et locaux en animant par exemple un réseau de professionnels de la restauration collective,
– Axe 3 : renforcer les filières de proximité, accompagner et valoriser les acteurs qui s’inscrivent dans la relocalisation de l’alimentation. Toulouse Métropole est lauréate de l’AMI « démonstrateurs territoriaux de transition agrialim » pour expérimenter la construction d’une filière territorialisée de légumineuses et graines spéciales,
– Axe 4 : sensibiliser et faciliter l’accès de tous à une alimentation de proximité, saine et durable. Nous animons des Défis Foyers à l’alimentation positive ou encore nous développons des « quartiers fertiles » pour faire de l’alimentation un levier de résilience alimentaire et professionnelle pour les quartiers toulousains.
France urbaine : Pourquoi pensez-vous que l’échelle territoriale peut constituer un échelon pertinent ?
Jean-Jacques Bolzan : L’échelle territoriale permet une proximité et une pertinence pour mener des politiques publiques sur l’alimentation. Nous connaissons les acteurs, nous pouvons les rassembler et mener des actions partenariales coordonnées.
Mensa Cívica : « nous devons changer la réglementation européenne et cela contribuera à faire évoluer les règles ainsi en Espagne »
France urbaine : pouvez-nous nous présenter votre association ?
Paola Hernández Olivan : Mensa Cívica est une association espagnole non-lucrative fondée en 2016. Elle rassemble différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire (producteurs, distributeurs, sociétés de restauration et cuisines autogérées, organisations sociales et professionnelles) afin de promouvoir un nouveau paradigme qui intègre la durabilité, la santé, les enjeux sociaux et culturels dans la restauration collective.
Nos principales activités se concentrent sur la recherche, la sensibilisation et formation, la gestion de projets et le plaidoyer au niveau national et européen, telles que les marchés publics. Nous sommes pilotes en Espagne du programme européen School Food 4 Change. [NB : le programme School Food 4 Change qui réunit 12 pays, 16 villes et régions, 3 000 écoles et vise une approche systémique de l’alimentation est piloté au niveau européen par le réseau Eating City partenaire de France urbaine dans le cadre du présent plaidoyer].
Nous agissons pour améliorer la restauration scolaire, universitaire, hospitalière, avec des produits de meilleure qualité.
France urbaine : Quelles sont les normes espagnoles en matière d’alimentation ? A travers la déclaration de San Sebastien signée portée dans le cadre de la présidence espagnole de l’Union européenne, on a en effet vu monter le sujet des cantines scolaires comme une priorité. On voit notamment apparaître la notion d’approche globale de l’alimentation et de standards minimaux.
Paola Hernández Olivan : La législation reste ancienne et les dispositions nationales sont limitées : la gestion des cantines en Espagne relève pour une large partie des régions. Une consultation devait mettre à jour les dispositions actuelles mais le processus n’a pas été à son terme. Nous avons été la seule association espagnole à contribuer aux travaux européens sur les achats verts. La mise en avant des cantines dans la déclaration de San Sebastian est liée à une approche centrée sur la précarité alimentaire, il existe une forte préoccupation sur la pauvreté des enfants. Certains réseaux de territoires existent toutefois et des ONG qui travaillent sur ce sujet avec une approche plus globale comme le Réseau national des villes pour l’agroécologie.
France urbaine : Pourquoi avoir signé notre plaidoyer ?
Paola Hernández Olivan : Nous faisons partie de l’équipe de coordination de la campagne Buy Better Food. J’ai assisté à votre webinaire il y a quelques semaines et nous avons décidé de soutenir votre manifeste, dans lequel nous nous retrouvons pleinement. Nous avons de nombreux points communs, notamment soutenir les petits producteurs. Pour cela, nous devons changer la réglementation européenne et cela et cela contribuera à faire évoluer les règles ainsi en Espagne. Nous travaillons à l’alliance des territoires avec les producteurs, une nouvelle façon de coopérer. En Espagne, les cantines sont le plus souvent en gestion déléguée avec un approvisionnement passant par des grossistes, ce qui peut renforcer les problématiques de traçabilité des produits. Les contrats détenus par les entreprises manquent de transparence, avec des centrales d’achats qui pratiquent des prix bas. Il y a peu de contrôles des prix. Nous essayons à notre niveau de faire changer les choses.
Toulouse Métropole en quelques chiffres
En 2023, 36 partenaires, dont l’Ademe, l’Agence de l’eau, la Région, les Chambres d’Agriculture 31 et des métiers de l’artisanat, la SAFER, la cité des sciences vertes, 21 communes métropolitaines, et 6 structures du collectif Nourrir la Ville engagés aux côtés de Toulouse Métropole dans la Charte d’engagement du PAAM 2023-2026.
10 600 ha d’espaces agricoles soit 1/4 du territoire (72 % de grandes cultures, 13 % de prairies et 3 % de maraichage)
271 exploitations agricoles, dont 69 en bio
Plus d’1/3 des chefs d’exploitation aura atteint l’âge de la retraite d’ici 5 ans
Plus de 800 000 habitants et 100 000 repas consommés chaque jour en restauration collective (dont 60 000 gérés par les restaurations municipales des 37 communes)
5 600 personnes employées dans le secteur agricole et alimentaire soit plus de la moitié des emplois du secteur en Haute-Garonne.